Publié le
20/2/2024
L’heure est au bilan. Les SDSI (Schémas Directeurs du Système d’Information) qui ont été élaborés par les GHT au début de leur histoire (années 2017/2019) arrivent à échéance. Le défi sous-estimé de la convergence, des événements inédits (COVID, attaques Cyber, …) et une accélération des politiques publiques (Ségur, France 2030, Feuille de Route 2023) au cours de la période d’exécution sont venus percuter la trajectoire planifiée à l’époque mettant en lumière les faiblesses et les difficultés de l’exercice, ainsi que le manque de moyens - budgets, compétences, leadership – dont disposent les DSI par rapport à d’autres secteurs.
Le renouvellement nécessaire de la stratégie et de la planification numérique des établissements est l’occasion de réviser la méthode d’élaboration des SDSI de demain. Les bouleversements de l’écosystème, les financements, la poursuite du Ségur Numérique, nous obligent à penser autrement et à tirer les bénéfices de l’expérience précédente de manière à produire des SDSI durables et réalisables.
C’est aussi l’occasion d’interroger la place de la Data et de l’innovation dans l’espace numérique des GHT et des établissements de santé en général : sujet de la DSI ou émergence de nouveaux acteurs du numérique au sein des organisations ?
La loi de modernisation du système de santé entrée en vigueur le 26 janvier 2016 a fait naître les GHT ainsi que la politique de convergence. Avec pour finalité une amélioration de la prise en charge des patients au sein d’un territoire, une mutualisation des moyens, ainsi qu’un meilleur partage de l’information entre les établissements, les SDSI se sont concentrés sur plusieurs grands axes de réflexion :
Ce chantier s’est avéré colossal au sein d’organisations hétérogènes en maturité numérique. 5 ans plus tard, force est de constater que seulement 60% des structures ont adopté les outils convergents envisagés. Pour certains, la notion même de convergence des fonctionnements ou des outils est balbutiante. Les SDSI n’ont pas été menés à terme, pourquoi ?
Lors de la période d’exécution nous avons pu constater des changements radicaux du marché de l’industrie du logiciel en santé, avec une concentration des acteurs issus de fusions acquisitions mais aussi la disparition de certains d’entre eux.
Pour les Établissements de Santé – GHT en particulier, 2 grandes familles d’éditeurs se partagent l’offre – Gestion administrative et DPI. Le marché, après stabilisation en 2022 (40 éditeurs de GAP, 80 éditeurs de DPI), est reparti en concentration courant 2023 – avec les rachats par de grands acteurs comme Docaposte, Enovacom. Aujourd’hui, une vingtaine d’éditeurs représentent l’essentiel de l’offre.
Pour les professionnels, 15 éditeurs représentent 82% du marché, ce qui favorise l’interopérabilité avec les SI GHT. Cependant, 135 éditeurs se partagent les 18% restant.
Chiffres issus du rapport « Industriels du numérique en Santé 2022 » du GIE SESAME VITAL
Parallèlement, le Ségur de Numérique a contraint les structures sanitaires ainsi que les éditeurs à revoir leurs priorités nécessitant une mise à jour des roadmaps prévisionnelles pour intégrer les nouvelles priorités, et ceci après une crise sanitaire qui a mis à mal les professionnels de santé en première ligne de ce combat. Difficile d’opérer des changements majeurs dans de telles conditions.
L’arrivée des solutions nationales d’échange et partage, dont l’INS, le DMP et Mon espace santé, force la remise en question des briques régionales préalablement identifiées dans les SDSI. Ces derniers étaient sans doute trop ambitieux ou figés pour être viables avec une cible à 5 ans. Ceci nous invite à nous concentrer sur 3 problématiques :
Ne pas défaire mais construire autour, mission Interopérabilité
La nouvelle réglementation en place offre un cadre unique et normé propice au développement de l’interopérabilité des solutions entre elles. Ceci nous permet d’envisager les SDSI d’une manière différente, en se basant sur la communication et la mise à disposition de la donnée au travers des différents outils. Ceci permet en outre d’appréhender la convergence différemment, en proposant des outils adaptés aux besoins des professionnels et des contraintes de la structure, et de la disponibilité des éditeurs tout en permettant le partage de l’information. L’analyse des ruptures fines nous permet de voir que certains outils sont soit inadaptés à certains usages, soit échappent complètement à l’intégration au SIH. Pour conserver et développer les usages tout en développant l’échange et le partage de l’information la clé : l’interopérabilité basée sur les normes du référentiel CI-SIS.
L’automatisation pour redonner du temps aux soignants
Offrir des solutions ergonomiques, faciles à prendre en main, est essentiel pour améliorer l'expérience utilisateur des professionnels de la santé. Travailler sur les Interfaces Homme-Machine (IHM) des solutions est une étape cruciale afin de favoriser une saisie fluide et de permettre aux utilisateurs de s’affranchir des actions sans valeur ajoutée. Cette approche vise à maximiser l'efficacité opérationnelle tout en minimisant la charge cognitive des soignants.
L'automatisation joue un rôle clé dans cette perspective, visant à supprimer les ressaisies, sources fréquentes d'erreurs et chronophages. L'objectif ultime est de redonner aux professionnels de santé le temps nécessaire pour se consacrer pleinement à la prise en charge des patients, améliorant ainsi la qualité des soins et renforçant la satisfaction au travail.
L’intelligence artificielle : quand l’innovation trouve sa place dans les organisations
Un nouvel acteur majeur arrive dans l’écosystème : l’intelligence artificielle. Cette arrivée sera facilitée par le cadre d’interopérabilité et le souhait de présenter la donnée utile et nécessaire dans l’outil métier. L’IA doit pouvoir s’intégrer dans les processus métier de manière transparente, agissant comme un catalyseur de l'efficacité opérationnelle. Elle offre des opportunités significatives pour optimiser les processus de prise de décision et d'analyse des données médicales.
En facilitant l’échange de la donnée, nous ouvrons la porte à l’innovation dans nos SDSI afin d’exploiter au mieux le potentiel offert par ces nouvelles technologies et valoriser les informations issues des différentes sources.
Cependant, il est crucial de veiller à une mise en œuvre éthique et sécurisée de l'IA, garantissant ainsi la confiance des professionnels de santé et la protection des données sensibles des patients.
Des données accessibles et sécurisées : une priorité
Dans un monde où l'information médicale doit être disponible en temps réel, la simplicité d'accès est cruciale pour les professionnels de santé. Cependant, l’accès à la donnée se doit d’être simplifié tout en respectant la sécurité, et nous devons tenir compte de ces points dans l’élaboration de nos SDSI, afin d’avoir une donnée disponible rapidement, en sécurité, et ceci quel que soit son lieu de stockage.
L’authentification des utilisateurs doit être simple et faciliter l’usage en introduisant les technologies disponibles sur le marché : SSO (Single Sign-On), CPX (Contextual and Adaptive Access Control), biométrie. Cette approche contribue à réduire les temps d'accès et à améliorer l'efficacité opérationnelle tout en assurant la confidentialité et l'intégrité de ces informations cruciales pour la prise en charge optimale des patients.
Parallèlement, l'accès à des informations sensibles est étroitement régulé, garantissant que seules les personnes autorisées puissent y accéder, et ce, dans des circonstances spécifiques et sécurisées.
De la conduite du changement
Une stratégie numérique partagée puis exécutée passe par une conduite du changement forte. Ceci, tant :
En conclusion, un second souffle avec plus de sens devrait guider les nouveaux exercices stratégiques après un objectif de « convergence » peu mobilisateur. Le numérique au service des parcours, au service des professionnels via le développement des usages et l’accès et valorisation de la data sont des sujets plus parlants pour les professionnels et leurs patients.
Le second souffle doit aussi se traduire par un nouveau contrat de confiance entre DSI et DG pour faire du SDSI un véritable outil de dialogue et de pilotage.
Aussi, il est important que les SDSI soient évolutifs, grâce à une gouvernance robuste et un portefeuille d’activités réellement piloté, pendant leur cycle de vie, afin de prendre en compte la performance des projets engagés et les modifications fréquentes de l’écosystème.
Article rédigé en partenariat avec Capgemini Invent